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LETTRE DE SOUTIEN A ERIC LESSARD A L'INTENTION DU MINISTRE


pierrenavarro

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Madame la ministre

 

Pilote moto d’origine française vivant au Québec, je me permets d’apporter mon soutien á Eric Lessard dans son excellente et courageuse initiative au sujet des usagers de la route, car il s’agit bien d’un problème général de comportement routier non limité au périmètre exclusif des motos dites sportives.

 

La prudence est une vertu. La précaution est un vice.

 

Dans le cadre de la prévention, il est prudent d’apprendre aux futurs usagers, jeunes ou moins jeunes, á conduire dans un contexte réaliste, en mettant l’accent sur les risques réels encourus, que ce soit en moto ou bien en voiture. Il est plus intelligent de les impliquer dans le partage de la route, plutôt que de les entrainer dans une dispute de clans.

Par contre, la précaution qui consiste á interdire l’usage d’une moto en dessous d’un certain âge, ou pire encore, de faire une ségrégation sociale par des tarifs prohibitifs pour les moins fortunés, n’est á mon avis pas une démonstration démocratique réfléchie, mais bel et bien une façon autoritaire d’obtenir l’adhésion de l’opinion publique au dépend d’une minorité injustement marginalisée.

 

Conduire un véhicule n’est pas une question d’âge ou de finance. C’est avant tout une question de maturité. Le législateur est le seul responsable au moment d’élaborer l’indice de maturité, et le formateur est le seul responsable pour faire atteindre ce seuil aux élèves. Un motard extrêmement bien éduqué évalue á sa juste valeur les risques selon l’attitude qu’il adopte. Certes, il y aura toujours des morts sur la route, mais le gouvernement se doit de remplir son devoir de formation et d’information. Aujourd’hui ce n’est pas le cas. Votre formation et vos examens sont le reflet d’une politique de précaution soucieuse de protéger le convenable. Si l’on se réfère en détail aux statistiques que vous soutenez, un grand nombre des victimes vous sont imputables par manque de formation. Vous ne pouvez pas en effet condamner si vous n’enseignez pas. A titre d’exemple, lors de mon examen de conduite au Québec, qui m’a été imposé alors que je suis motard depuis trente ans avec une expérience en compétition, j’ai faillit être recalé á l’épreuve de freinage car je me suis présenté á une vitesse double á celle inscrite dans la procédure. Cependant, je me suis arrêté á une distance du tiers requis. L’examinatrice, qui j’en suis sur n’a jamais conduit de moto, m’indiqua que le freinage n’était pas conforme á la loi (25km/h, soit moins vite qu’en vélo), me donnant alors une seconde chance. Je ne la blâme pas car elle a suivi á la virgule la procédure établie je ne sais dans quel contexte. Soyez bien certaine Madame la Ministre, qu’un conducteur de moto qui suit á la lettre le manuel de la SAAQ est une cible á chaque virage, á chaque arrêt au milieu du trafic et á chaque entrée sur l’autoroute.

 

Pour vous donner une idée de la façon dont je conçois la sécurité, sachez tout d’abord que je suis un père de famille fou d’amour pour mes enfants. Avant d’emmener ma fille âgée de huit ans en longue promenade, je lui ai enseigné progressivement comment se comporter á l’arrière, dans les virages et au freinage parce que le stress généré par une situation inconnue tue. Petit á petit, elle a apprit á absorber l’énergie d’un freinage rude á très grande vitesse, sans perturber le comportement de la moto et sans que la peur ne lui fasse commettre des gestes incontrôlables. D’autre part, je ne m’arrête jamais juste derrière une voiture pour ne pas voir ma fille écrasée par un conducteur distrait qui aurait oublié de freiner. Je reste proche de la ligne médiane quitte á prendre une contravention. Je préfère payer une amende plutôt que de voir ma fille coincée entre deux pare chocs, car aucune loi en ce monde ne peut me garantir que cela n’arrivera jamais. Aujourd’hui, la moto est synonyme pour elle de plaisir et de déplacements partagés avec son papa. Elle ne considère en aucun cas la moto comme une activité dangereuse, mais elle maintient néanmoins son attention.

 

D’une façon plus générale, une mesure simpliste et autoritaire dévalorise, inconsciemment je suppose, vos concitoyens en leur délivrant un message d’incapacité masqué sous un discours moralisateur erroné. Les statistiques sur lesquels vous vous appuyez démontrent que vous ne tenez pas compte de l’aspect humain au moment d’élaborer des lois et des décrets. Ces lois, sont elles même le reflet de votre précaution, cette précaution s’installant pas á pas dans une société au fil des générations. Le rôle d’une instance politique n’est pas de surprotéger les concitoyens, surtout lorsque cette stratégie s’appuie sur la peur, la dénonciation et la démagogie. La vie est un combat. Il y a, et il y aura toujours des victimes, sur la route aussi. Mais de grâce, donnez une chance á vos électeurs, les mêmes qui ont vu en vous un leader, de se diriger peu á peu vers l’autonomie pour jouir de liberté. L’autonomie veut bien dire gérer sa propre loi dans le sens étymologique. Ne nous égarons pas, il ne s’agit pas d’inciter les gens á ne pas respecter les lois, mais de leur apprendre á être responsables, á choisir volontairement une bonne attitude. Je ne pense pas que vous puissiez un jour vous satisfaire du bilan de votre mandat sur la base des vies que vous aurez sauvé sur la route. Je pense que vous serez plutôt ennoblie par ce que vous aurez fait pour contribuer au rayonnement de vos semblables. N’est ce pas cela que vous souhaitez pour vos concitoyens á travers votre engagement politique, ou bien persistez vous á croire qu’ils sont d’eternels adolescents ?

 

Pour que le discours soit juste, j’aimerais rajouter á l’intentions des personnes jeunes et moins jeunes qui ont une attitude idiote sur la route ou ailleurs, que la société sera moins pénalisée par leur agissements qu’ils ne le seront eux-mêmes. Se marginaliser est un choix, mais il n’y a pas besoin d’une moto de sport pour cela.

 

Je vous remercie de ne pas me renvoyer la balle de la nationalité Française protestataire car je vous informe que je ne me considère pas plus Français que citoyen des pays dans lesquels j’ai vécu. Que l’on soit Français ou bien Québécois n’a plus vraiment d’importance dans le monde d’aujourd’hui. Ces propos s’adressent aussi á tous les politiciens du monde qui surfent sur la vague de l’autorité. Le terrain de jeu est maintenant planétaire. Qu’allez vous dire aux enfants de vos électeurs lorsqu’ils seront assis dans le sous sol de la culture, visionnant une partie de hockey et rassurés par le mur des lois que vous aurez érigé pour bien les protéger, alors que des jeunes élevées dans l’audace, la curiosité et la pertinence croqueront les fruits du jardin á pleine dent.

 

Croyez-moi, la précaution n’est pas un bon cheval pour l’avenir. Je vous recommande humblement la prudence. La précaution rassure mais asservie les esprits alors que la prudence les ouvre.

 

Très respectueusement

Pierre Navarro

Drummondville

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Merci Pierre

 

Je pense que si tu retarderais ton départ d'une 20e années pour l'Argentine sa ferait l'affaire de bien du monde

 

Quelle grand plaisir de lire tes textes et de discuter en personne avec ce gentils monsieur

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